L'intoxication au monoxyde de
carbone est une des premières causes d'intoxication en
France, elle a un caractère saisonnier (automne/hiver),
et est dans la grande majorité des cas accidentelle et
collective.
GÉNÉRALITÉS
Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz incolore, inodore
et sans saveur. Il est très diffusible et sa densité
est proche de celle de l'air. Il existe en taux faible
dans l'air ambiant, mais les effets cliniques visibles de
sa toxicité n'apparaissent qu'à partir d'une
concentration seuil.
Ce gaz est dégagé par toute combustion incomplète de
substance carbonée (fuel, gaz, mazout, pétrole,
essence, charbon, bois ...
Il est donc à l'origine :
- D'accidents domestiques, collectifs ou individuels
* chaudières, chauffe-eau, chauffages
d'appoint mal réglés, 'Brasero' en ambiance confinée,
cheminée, poêle à charbon fissuré ou obstrué...)
* Calfeutrage excessif des ouvertures,
confinement : EDF produit maintenant des certificats de
conformité après contrôle des aérations.
- Des suicides, en utilisant les gaz d'échappement d'un
véhicule
- D'intoxications lors d'incendies, où ses effets sont
alors ajoutés à ceux d'autres toxiques tels que les
cyanures.
Seuils
de CO dans l'air ambiant et correspondance clinique
(CO exprimé en partie par million : PPM)
<
100 ppm |
Céphalées |
200
ppm |
Nausées |
500
ppm |
vomissements,
perte de conscience brève |
1
000 ppm |
intoxication
grave, coma |
1
500 ppm |
valeur
immédiatement dangereuse pour la vie |
2
000 ppm |
mortel
en 4 - 5 heures |
5
000 ppm |
mortel
en 20 minutes |
PHYSIOPATHOLOGIE
ET CLINIQUE
Les effets toxiques du CO sont liés à sa grande
affinité avec les hémoprotéines dont il bloque le
fonctionnement : il vient occuper les sites de transport
d'02 dans le sang (au niveau de l'hémoglobine),
diminuant donc l'oxygénation des tissus.
Les principaux signes sont des céphalées, des vertiges,
des nausées et vomissements, et des troubles de la
conscience pouvant aller de la simple agitation au coma.
Ils sont parfois associés à des troubles
neuro-sensoriels à type de bourdonnements d'oreille ou
de sensation de mouches volantes.
Néanmoins, il faudra toujours évoquer ce type
d'intoxication lorsque l'un des troubles suivants
apparaît en espace clos :
perte de connaissance brève, troubles de la vision,
difficultés d'idéation, actes inappropriés,
manifestations ébrieuses, ou convulsions notamment chez
l'enfant. Dans le même contexte, il faut savoir
également effectuer ce diagnostic devant la
recrudescence d'une angine de poitrine chez un cardiaque
connu.
MESURES ET DÉTECTION
On peut effectuer différents types de mesures du CO :
des mesures atmosphériques (en ppm), des mesures
sanguines, et depuis peu des mesures dans l'air expiré
du malade (donnant à l'aide d'abaques le taux sanguin de
CO).
Pour améliorer la prise en charge de ce type
d'intoxication, le SAMU 68 fut l'un des premiers à
investir dans l'acquisition de matériels de détection
portatifs Draëger®. Ces appareils ont deux utilités :
la mesure du CO dans l'air ambiant sur les lieux de
l'intervention, permettant ainsi l'autoprotection des
équipes de secours (il existe en effet une alarme sonore
qui se déclenche dès que le taux de CO atteint un
certain seuil), et la mesure du taux de CO expiré par le
patient, permettant ainsi de faciliter un triage rapide
entre les intoxiqués vrais et les autres lors de
problèmes collectifs. Ce tri précoce assoupli
considérablement la gestion de l'intervention.
CONDUITE A TENIR
ET TRAITEMENT
Tout d'abord, évacuer la victime sans s'exposer
soi-même (un partenariat avec des pompiers équipés
d'Appareils Respiratoires Individuels est ici
particulièrement utile).
Le traitement institué ensuite est avant tout une
oxygénothérapie, qui dans certains cas peut même se
faire à l'aide d'un caisson hyperbare (chez la femme
enceinte pour éviter une atteinte du ftus, chez
les jeunes enfants, et chez les victimes présentant des
troubles de la conscience). Selon les protocoles
actuellement en vigueur, toute personne intoxiquée doit
rester au moins 12 heures hospitalisée pour bénéficier
d'une oxygénothérapie à 100 %.
Ce traitement spécifique doit bien entendu être
associé à une réanimation symptomatique classique.
Les complications possibles sont principalement
respiratoires précoces, et neuro-psychique après un
délai d'une quinzaine de jour (syndrome post
intervallaire), mais une prise en charge précoce permet
de limiter leur incidence.
CONCLUSION
L'intoxication au monoxyde de Carbone est une
intoxication potentiellement grave. Elle nécessite une
prise en charge rapide et spécifique bien codifiée
actuellement.
En ce qui concerne les équipes de secours, la possession
de matériel individuel de détection et de mesure
partout indispensable sur le plan de la sécurité, et
très pratique pour améliorer la gestion des intoxiqués
et des impliqués lors d'intoxications collectives.
Néanmoins, dans de nombreux cas, ces accidents
pourraient être évités grâce à une Information plus
poussée du public quant à la nécessité d'un entretien
régulier des matériels de chauffage (entre autres), et
quant aux risques encourus.
L'avènement du "tout électrique" n'étant pas
encore à l'ordre du jour, il est donc nécessaire de
rester vigilant, notamment en régulation médicale. En
effet, chaque année le centre 15 reçoit des appels
concernant des "intoxications alimentaires
collectives", et il faut toujours garder à l'esprit
qu'une "épidémie" de vomissements peut cacher
autre chose. Aucun signe clinique n'étant spécifique de
l'intoxication oxycarbonée, le diagnostic ne pourra
être effectué que si on l'évoque de façon
systématique.
Dr Jean-Michel MACHER
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