SAMU 68 et REGA : UN MARIAGE DE RAISON

V. Heitz- J.M. Macher- S. Graesslin- F. Stierlé- C. Niederhoffer-

H. Segessenmann

Article Paru dans Urgence Pratique :

numéro 25, Novembre 1997

 

RESUME

La prise en charge de la couverture sanitaire héliportée du département du Haut-Rhin a été optimisée d’une façon originale depuis mi-1996 par la signature d’une convention transfrontalière liant le SAMU 68 et la REGA. Ce « mariage de raison » représente actuellement le meilleur compromis tant sur le plan médical que financier pour les évacuations justifiant le recours à ce moyen.

Depuis l’entrée en vigueur de la convention passée entre le Centre Hospitalier de Mulhouse et la REGA mi-1996, l’hélicoptère de transport sanitaire « REGA 2 », stationné à l’Euro-Airport Bâle-Mulhouse, intervient dans le Haut-Rhin. Il constitue un renfort logistique non négligeable pour le SAMU 68, justifié pour certaines interventions primaires particulièrement lourdes.

 

INTRODUCTION

L’engagement de REGA 2, en complémentarité du SMUR de Mulhouse contribue au renforcement des moyens de transport mis à disposition dans la zone sud du Haut-Rhin dénommée « Sundgau ». Il diminue les délais d’hospitalisation des polytraumatisés en milieu spécialisé situé en moyenne à plus de 60 kilomètres du lieu d’intervention. Cette collaboration représente actuellement le meilleur compromis financier pour assurer la couverture médicale héliportée de cette région difficile d’accès, où l’accidentologie routière est fréquente et potentiellement grave. Cette charte de coopération transfrontalière, à l’image de celle existant en Haute-Savoie (avril 1983) et dans le Jura (août 1991) renforce une série de mesures mise en place en 1996 :

ouverture du réseau SSU et amélioration de la couverture du réseau 150MHz ;

nouvelles implantations et affectations de VSAB améliorant la couverture terrestre, en collaboration avec le Service de Santé des sapeurs-pompiers.

 

HISTORIQUE

Les possibilités d’amélioration des secours héliportés et leurs nécessités ont été étudiées depuis plusieurs années par les responsables médicaux du SAMU et du SDIS 68. Officiellement signé le 25 septembre dernier entre les différentes parties, ce partenariat vient concrétiser cette volonté et met un terme à une campagne médiatique, promulguée par une association locale visant à implanter son propre hélicoptère sanitaire dans le Haut-Rhin (projet qui ne garantissait cependant pas la pérennité financière du système). De fait, les frais engagés par REGA2 sont pris en charge par le Centre Hospitalier de Mulhouse.

NOTRE PARTENAIRE : REGA2

On ne présente plus les 13 hélicoptères de la REGA, répartis sur l’ensemble du territoire helvétique et assurant plus de 6 000 missions de secours par an dont 60% d’interventions primaires. Cependant, nous ne relèverons ici que les particularités de la base de Bâle, créée en 1975. L’hélicoptère est médicalisé par les médecins anesthésistes-réanimateurs du Kantonspital.

Cette base est implantée à 35 Km au sud-est de Mulhouse en bordure de piste de l’Euro-Airport. Déclenchée comme toutes les bases via la Centrale d’Alarme de Zurich, elle est considérée en fonction de son emplacement et de son profil d’activité comme une base de plaine typique et dispose d’une machine bi-turbine type AGUSTA A109-K2. Cet appareil est équipé d’un treuil de 50 mètres supportant 200 Kg de charge et sa vitesse de croisière atteint 270 Km/h.

L’équipage, outre le médecin anesthésiste, est composé de deux autres personnes : le pilote et son assistant de vol (en général un I.A.D.E.) ; il fait face à toute situation d’urgence extra-hospitalière et embarque tout le matériel de réanimation nécessaire à sa réalisation. En outre, tout l’équipage bénéficie d’une formation de base et d’un recyclage permanent. La permanence est assurée 24h/24. Sa situation géographique le place idéalement à moins de dix minutes de vol de n’importe quel point d’intervention sur son secteur haut-rhinois d’efficience.

REGA 2 effectue plus de 700 missions annuelles dont 50% intéressent le territoire allemand, à la demande de la DRK. La répartition des interventions montre une prédominance pour la traumatologie (60% des vols) et une forte activité nocturne (30% de leur activité).

Son domaine d’intervention sur le territoire français a été limité au sud d’une ligne matérialisée par l’autoroute A36 reliant Belfort à Mulhouse. Il intervient à la demande exclusive du médecin régulateur du SAMU 68, en complément d’un moyen terrestre déjà engagé : un VRM du SMUR et/ou un VSAB médicalisé.

Une quinzaine de missions primaires a déjà eu lieu dans le Sundgau depuis la mise en œuvre du protocole d’accord.

JUSTIFICATION DES SECOURS HELIPORTES

Le Centre 15 du Haut-Rhin dont le Centre Hospitalier de Mulhouse est le siège, a reçu 50 076 appels en 1996. Pour faire face à ses 9 000 interventions annuelles, le SAMU 68 gère les SMUR de Mulhouse et Colmar, disposant chacun de 2 VRM. Ce dispositif est complété par l’engagement des 37 VSAB et des ambulances privées partagés sur l’ensemble du département.

La répartition des admissions s’organise principalement autour des 2 SAU de Mulhouse et de Colmar, avec une particularité à prendre en compte : seul l’hôpital de Colmar dispose d’un centre de neurotraumatologie. De plus, la situation frontalière du département peut amener le SAMU 68 à autoriser des transports (terrestres ou aériens) vers le Kantonspital de Bâle pour les patients suisses ou allemands.

Sur le plan aérien, l’hélicoptère médicalisé de la gendarmerie intervient en priorité pour des missions primaires dans le massif vosgien, pendant les périodes où il est activé à sa base de Xonrupt (vacances scolaires et week-ends).

Par ailleurs, la couverture nord du département et le massif vosgien en deuxième intention, est assurée par l’hélicoptère de la Sécurité Civile (Dragon 67) basé à l’aéroport de Strasbourg International, déclenché et médicalisé par le SAMU 67. Ses interventions dans le Haut-Rhin, pour l’instant limitées et parfois cantonnées aux transferts inter-hospitaliers, pourraient être encore développées à l’avenir (remplacement de l’Alouette III par une machine plus performante), pour la prise en charge initiale de certaines pathologies spécifiques (grands brûlés) et leur transport immédiat vers les centres spécialisés éloignés de notre secteur (Freyming-Merlebach, Metz, Nancy, Lyon).

 

Ainsi, pour le Haut-Rhin, le plan de secours héliporté décrit a permis d’envisager une amélioration qualitative des transports, à moindre coût par la potentialisation des structures existantes dans le cadre d’une tactique opérationnelle régionale et transfrontalière.

Nous avons ainsi présenté de façon schématique l’organisation du SAMU 68 et ses possibilités originales de prise en charge sanitaire héliportée, le développement des secours héliportés étant une nécessité car complémentaire des secours terrestres, surtout pour des zones peu urbanisées et éloignées des SMUR.

 

ORGANISATION DES SECOURS HELIPORTES AVEC LA REGA

Le département du Haut-Rhin bénéficie d’un quadrillage de secours sanitaire relativement dense. Le SAMU 68 a pris l’option d’optimiser les relations entre moyens terrestres et aériens pour accélérer la prise en charge médicale.

D’après la convention, le coût des interventions héliportées est à la charge du centre hospitalier de Mulhouse qui ne peut supporter un nombre d’interventions annuelles illimité.

Aussi, le régulateur du SAMU 68 ne déclenche jamais REGA 2 sans s’assurer du caractère motivé de l’intervention grâce au bilan médical initial : motivation de caractère logistique, géographique ou médicale. Dans le même temps, la REGA est mise en préalerte.

Sur les lieux de l’intervention, l’équipe médicale assure la mise en condition et la réanimation du patient pendant les manoeuvres de dégagement ou de désincarcération.

Cette coordination réalise ainsi un gain de temps précieux pour l’évacuation du blessé.

Le principe de « préalerte » a plusieurs avantages :

- Il permet de localiser au mieux le lieu d’intervention, l’emplacement de la DZ et de vérifier les conditions de vol et de sécurité (météo, visibilité, ligne à haute tension...).

Bases REGA sur le territoire Suisse

 

- Il permet en outre à la REGA de prévoir un hélicoptère de remplacement ( 2 hélicoptères sont à moins de 30 minutes de vol de Bâle : REGA 1 à Zurich et REGA 3 à BERN) en cas d’indisponibilité de REGA2.

 

 

 

activite de rega 2 dans le haut-rhin

Treize missions ont été effectuées d’avril à décembre 1996. Une seule a dû être annulée en cours d’intervention pour des raisons météorologiques (importantes chutes de neige).

Sur le plan typologique, on dénombre :

- Neuf accidents de la voie publique,

- Trois chutes de grande hauteur,

- Un écrasement par charge lourde.

Sur le plan clinique, les patients présentaient :

- Trois paraplégies,

- Six traumatismes crânio-cérébraux intubés,

- Deux traumatismes abdominaux,

- Un polytraumatisme,

- Et un arrachement de membre.

En outre, on note une évacuation par hélitreuillage.

Au niveau des distances parcourues, la moyenne entre le lieu d’intervention et le SMUR le plus proche était de 42,4 km, et celle entre le lieu d’intervention et celui de l’hospitalisation était de 64,5 km, un seul transport ayant été effectué en direction de Bâle.

 

 

REFLEXIONs A propos D’UN CAS

Lors d’un rallye automobile, une VL victime d’un AVP chute de 10 m dans un ravin, au sein d’une forêt de sapin (» 25 m de haut). Le conducteur, indemne sort seul du véhicule, alors que son passager, polytraumatisé inconscient, reste incarcéré. Une équipe SMUR médicalisant la manifestation était présente sur les lieux, et a permis une prise en charge quasi immédiate.

L’accident s’est produit à environ 45 minutes de route du S.A.U. le plus proche, et a provoqué la mise en alerte rapide de la REGA après diffusion du premier bilan.

REGA 2 s’est présenté alors que le patient venait d’être dégagé du véhicule, après une désincarcération difficile.

La géographie des lieux interdisait un posé proche de l’accident ; une DZ située à 500 m en aval, sur un parking a été choisie.

Deux alternatives d’évacuation étaient techniquement réalisables :

brancarder le patient jusqu'à la DZ (terrain en fort dévers),

ou évacuer le patient par hélitreuillage après préparation du terrain (abattage d’arbre).

Fort de l’expérience de la REGA dans ce domaine, l’hélitreuillage de ce patient, intubé et ventilé manuellement par le médecin de l’hélicoptère, a été retenue après un posé intermédiaire (la configuration de l’Agusta A109-K2 ne permettant pas de recevoir un blessé treuillé directement dans la cellule sanitaire).

 

Cette expérience nous a ainsi permis de mettre en exergue le potentiel opérationnel mis en œuvre par la REGA, et de souligner l’importance, pour un SAMU, de disposer de moyens héliportés, notamment lorsque ceux-ci participent non seulement au transport, mais aussi au dégagement initial de la victime.

COMPARAISON DES CÔUTS

Pour permettre une interprétation des résultats, nous n’avons étudié que les 11 cas qui sont statistiquement comparables.

 

 

 

 

 

 

 

 

Temps de vol moyen REGA2 : 40 mn

Temps moyen intervention SMUR : 176 mn ( 2h56 )

soit un gain de temps moyen de 135 mn (2h15)

 

 

Coût moyen REGA2 : 13704,22 F

Coût moyen SMUR : 10525,37 F

soit un surcoût moyen de 21,31 % pour REGA 2

Le surcoût paraît très faible par rapport au gain de temps, sans même évoquer les autres avantages de l’hélicoptère, surtout si l’on tient compte de l’augmentation ainsi induite de la disponibilité des équipes médicales.

PROPOSITIONS

Depuis sa mise en place et d’après le recueil des données, le fonctionnement des secours avec REGA2 respecte un schéma décisionnel cohérent. Il permet de réduire notablement les délais d’hospitalisation, non pas vers l’hôpital le plus proche mais le plus adapté à la pathologie du blessé, en garantissant un confort et une stabilité du malade pendant le transport.

Il reste à affiner les modalités interventionnelles par une mise en préalerte plus rapide et plus rigoureuse, par une amélioration de la complémentarité sur le terrain entre les différents services intervenants et par l’élaboration de protocoles d’aide à la décision pour l’utilisation de l’hélicoptère médicalisé.

 

CONCLUSION

Ce « voyage de noces » entamé au cours de l’année 1996 a permis de répondre au mieux et à moindre coût aux besoins de transport sanitaire héliporté pour le Haut-Rhin.

L’hélicoptère sanitaire représente le seul moyen capable de rétablir l’égalité des citoyens devant une détresse médicale, et ce en n’importe quel point du territoire ; il renforce le rôle du SAMU dans la médicalisation des secours en amont de l’hôpital. Il remplit à cet effet les différents critères indispensables devant toute demande d’aide médicale urgente :

Rapidité d’intervention : accès direct aux victimes, vitesse propre de la machine, liberté de circulation excluant les contraintes du trafic routier.

Rapidité d’évacuation conditionnant la qualité et la précocité des soins spécialisés.

Confort du patient : vibrations dans une zone de résonance bien tolérée par l’organisme, amplitudes d’accélération faibles entraînant une stabilité hémodynamique pendant le transport.

Pour le département du Haut-Rhin, et principalement le Sundgau où la demande d’évacuations héliportées reste faible, il ne nous parait pas indispensable, pour les services de secours, dont le SAMU, de disposer de leur propre appareil ; le principe d’activation à la demande sous forme « d’achat d’heures de vol » nous semble pour l’heure la meilleure proposition car elle respecte une logique cohérente tant sur le plan économique que médical.

BIBLIOGRAPHIE

HEITZ (V.)

Place des secours aériens héliportés dans la prise en charge préhospitalière. Justification dans le Haut-Rhin.

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